Volume 17:1
Volume 17 - Matériel d'introduction
Arsalan Ahmed
Les lecteurs trouveront ici des informations utiles concernant la Revue de droit du développement durable de McGill, notamment ses comités de rédaction, de gestion et consultatif. La MJSDL est une revue universitaire semestrielle, dirigée par des étudiants et évaluée par des pairs, dont le mandat est d'offrir un forum d'analyse critique sur les thèmes croisés de l'économie, de la société, des droits humains et de l'environnement, et sur les implications qui en découlent pour le droit du développement durable. La MJSDL est affiliée à la Faculté de droit de l'Université McGill et est entièrement bilingue. Notre rédacteur en chef 2020-2021, Arsalan Ahmed, présente ce volume dans une note d'introduction.
Brenda L. Gunn
Le droit des peuples autochtones de participer à la prise de décisions est un droit essentiel et fondamental. En outre, la réalisation du droit des peuples autochtones de participer à la prise de décision est essentielle à la protection et à la réalisation d’autres droits, notamment le droit à l’autodétermination, le droit aux terres, aux territoires et aux ressources et le droit à la culture. À l’ère du changement climatique, de nouvelles menaces pèsent sur les droits des peuples autochtones. En se fondant sur les expériences passées où les peuples autochtones ont dû payer le prix des mesures de conservation, les peuples autochtones continuent d’exprimer leur inquiétude quant au fait que les approches actuelles de la planification en matière de changement climatique pourraient répéter ce même schéma de prise de décision sans la participation des peuples autochtones, ce qui entraînerait de nouvelles violations des droits des peoples autochtones. Cet article démontre l’interconnexion entre la réalisation du droit des peuples autochtones de participer à la prise de décision (y compris le FPIC) et la réalisation d’autres droits fondamentaux. En basant le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans ce droit de participation plus large, le FPIC est utilisé pour guider les processus de prise de décision afin de garantir la protection des droits des peuples autochtones dans les processus de planification liés au changements climatiques.
Zackary Goldford
Zackary Goldford discute du nouveau livre du professeur Richard Lazarus, The Rule of Five, en soulevant des questions sur la relation entre les litiges et le changement de politique publique. Le livre du professeur Lazarus raconte l'histoire d'une décision de justice qui a conduit à un changement de politique publique, mais les tribunaux doivent-ils vraiment être les lieux de prédilection des avocats et des militants de l'environnement ? L'analyse de Goldford suggère que les avocats et les militants de l'environnement feraient mieux de se concentrer sur la persuasion des branches politiques.
Faire la lumière sur la divulgation corporative obligatoire reliée au climat (en anglais)
Brandon D. Stewart
Les gouvernements et les régulateurs sont obsédés par la divulgation d’information liée au changement climatique. Le Canada, le Royaume-Uni, Hong Kong, la Chine, l'Union européenne et même les États-Unis ont élaboré ou vont élaborer des législations ou des règles qui obligent les entreprises à divulguer des informations financières liées au climat conformément aux recommandations du Groupe de travail dédiée à l’impact des risques climatiques (TCFD, Task Force on Climate-related Financial Disclosures). On s'attend à ce que ces régimes obligatoires de divulgation d'informations climatiques par les entreprises ("MCDR") augmentent l'efficacité du marché et soutiennent potentiellement une transition accélérée vers une économie à faible émission de carbone. Cet article met l'accent sur ces hypothèses fondamentales, mais erronées. J'identifie quatre caractéristiques communes à la plupart et, potentiellement, à tous les MCDRs des juridictions ci-dessus, qui peuvent limiter leur impact attendu sur l'efficacité du marché : (1) une approche de mise en œuvre graduelle, où la divulgation d'informations quantitatives fiables et utiles à la prise de décision ne sera pas disponible pour les investisseurs avant plusieurs années; (2) la divulgation sur la base du principe "se conformer ou s'expliquer", qui peut confondre des investisseurs et entraîner des réactions inattendues du marché ; (3) les divergences causées par les recommandations du TCFD ; et (4) un manque d'application par le public. Il n'est pas certain que les MCDRs contribueront à accélérer la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone. Toute amélioration en matière de divulgation liée au changement climatique sur les marchés publics n'orientera pas les capitaux des investisseurs vers les investissements du marché privé qui seront nécessaires au cours de la prochaine décennie pour que les gouvernements atteignent leurs objectifs dans le cadre de l'accord de Paris. Rien ne garantit non plus que les entreprises qui réfléchissent au changement climatique agiront de manière plus durable, au moins jusqu'à ce qu'une masse critique de leurs parties prenantes les plus puissantes réagissent de manière significative à leurs divulgations liées au climat. L'article conclut en identifiant deux possibilités dangereuses associées à cette obsession mondiale croissante pour les MCDR, qui inclut les récentes mesures législatives visant à imposer aux autres acteurs financiers des obligations de divulgation liées au TCFD. La première est la propagation d'inefficacités dans le cadre de la réglementation financière si les gouvernements et les régulateurs ne réussissent pas à comprendre, à reconnaître et à répondre aux conclusions de cet article, qui, selon moi, s'appliquent aux MCDR tout au long de la chaîne d'investissement. Le deuxième est le risque de vision étroite ou de « dépendance au sentier » si l'on se concentre uniquement sur la divulgation à l'exclusion d'autres outils réglementaires potentiellement plus innovants et plus efficaces.
Christopher Nowlin
Les peuples autochtones du Canada s’associent de plus en plus avec des capitalistes non autochtones dans le cadre de projets de développement d’échelle industrielle. Cette tendance pourrait être une source de préoccupations pour des raisons sociales et environnementales. L’industrialisation extensive s’étalant durant plusieurs générations a eu un effet négatif sur le climat mondial, donc une augmentation de la participation dans l’industrialisation devrait exacerber le problème du réchauffement climatique, et non l’améliorer, à moins que les entreprises industrielles dans lesquelles les autochtones et non-autochtones participent s’engagent technologiquement à remédier au problème. Depuis les années 1970, la participation autochtone dans les projets d’exploitation de ressources naturelles y a introduit des termes conservationnistes, ancrés dans les droits ancestraux et les croyances autochtones portant sur l’intendance écologique. Par contre, dans la mesure où les projets capitalistes priorisent généralement la profitabilité, une plus grande participation autochtone dans ces projets crée un risque que les communautés autochtones vont de plus en plus privilégier le succès financier plutôt que la durabilité écologique. L’existence d’acquisitions de l’ordre du milliard de dollars par des communautés autochtones durant ce siècle est considérée par certains observateurs comme un bon indicateur de succès socio-économique autochtone, mais cet article suggère que le désir de largesse financière et de croissance économique qui prévaut chez les dirigeants internationaux (tant autochtones que non autochtones) pose ses propres problèmes pour la durabilité écologique.
Larissa Parker
Au cours des dernières années, les deux premiers recours collectifs en matière de changement climatique ont été entendus pour autorisation au Québec : Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique c. Groupe Volkswagen Canada, 2018 QCCS 174 et ENvironnement JEUnesse c. Procureur général du Canada, 2019 QCCS 2885. Bien que les deux affaires aient présenté des demandes similaires dans leur ambition et dans le fait qu'elles ont été présentées au nom de larges soussections de la population du Québec, la Cour supérieure du Québec a autorisé la première et non la seconde. Un examen plus approfondi des deux décisions révèle un écart important, non seulement entre les deux décisions elles-mêmes, mais aussi dans la manière dont elles se situent dans le contexte historique plus large des recours collectifs en matière d'environnement au Québec. Au fond, les décisions présentent deux approaches fondées sur des principes très différents quant à la façon dont les juges interprètent les critères d'autorisation des recours collectifs établis en vertu de l'article 575 du Code de procédure civile. Alors que le premier juge a appliqué les critères de manière souple pour autoriser Volkswagen, l'autre a adopté une approche plus étroite, s'appuyant implicitement sur le principe de proportionnalité pour rejeter la demande dans l'affaire ENJEU. Cette tension reflète un débat philosophique plus large qui entoure les recours collectifs depuis une demi-décennie : les recours collectifs sont-ils un mécanisme juridique efficace pour traiter les grandes réclamations d'intérêt public ? En rendant des décisions aussi différentes dans des affaires aussi similaires, l'ENJEU et Volkswagen envoient un signal peu clair quant à savoir si les recours collectifs sur le changement climatique sont une forme de litige viable. Cette situation entraîne à son tour d'importantes ramifications sur les trois fonctions du droit des recours collectifs : l'accès à la justice, l'économie judiciaire et la modification des comportements
Suzanne Zaccour & Michèle Breton
Imaginez une rivière polluée par une usine. Les voies juridiques traditionnelles peinent à répondre à ce scénario, surtout lorsqu'aucun être humain ne souffre de la pollution. Ainsi, certaines juridictions se tournent désormais vers la personnalité juridique environnementale, une solution innovante qui permet à la rivière de poursuivre elle-même l'usine polluante. Que peut apporter la théorie des jeux au débat sur la personnalité juridique de l'environnement ? Nous soutenons que la personnalité juridique fait de la rivière un acteur dont les intérêts sont reconnus et qui peut négocier en son propre nom. Ainsi, la personnalité juridique environnementale peut être utilisée non seulement pour faciliter les litiges, mais aussi pour promouvoir la réalisation de solutions coopératives collectivement souhaitables. En mettant en scène un dialogue entre le droit et la théorie des jeux, nous apportons un éclairage nouveau sur la négociation environnementale et la personnalité juridique.