Volume 12:1 (2016)
Evguenia Paramonova
Résumé: De récents développements en droit commercial canadien ont agité le milieu juridique en suggérant que la responsabilité sociale des entreprises puisse être intégrée à leurs cadres de gouvernance. Cependant, si un tel projet est effectivement en cours, il reste incomplet. Des décisions marquantes de la Cour suprême du Canada ont créé plus de questions que de réponses quant aux obligations fiduciaires des gestionnaires. Des commentateurs-rices déplorent le manque d’orientation de la part du législateur ou de la législatrice quant à l’interprétation de ce que signifie agir « au mieux des intérêts de la société», étant donné la requalification des entreprises comme « bonnes citoyennes corporatives».Cet article explore le potentiel interdisciplinaire qu’ont les normes commerciales émergentes à constituer une telle matière interprétative. La «création de valeur partagée» (en anglais Creating Shared Value), un dérivé de la responsabilité sociale des entreprises, a reçu un soutien important d’entreprises, d’universitaires spécialisé-e-s en commerce et de décideurs et décideuses politiques. Mettant en relief l’intégration sociale des entreprises, la «création de valeur partagée» suggère que l’objectif principal du ou de la gestionnaire est de maximiser, plutôt que les dividendes des actionnaires, la «valeur partagée» en développant des stratégies et des fonctionnements basés sur les intérêts mutuels de la compagnie et des parties intéressées. En présentant aux gestionnaires un objectif clair et des lignes directrices permettant d’équilibrer des intérêts concurrents, la «création de valeur partagée» répond à deux imperfections majeures de l’articulation actuelle de l’obligation fiduciaire. La «création de valeur partagée» doit être intégrée à la législation actuelle en matière de gouvernance d’entreprise. Sera ainsi complétée une «boucle de rétroaction»—les pratiques commerciales généreront des normes qui insuffleront de la vie dans le droit de sorte que ce dernier ait des instruments plus robustes afin de réglementer ces pratiques. En définitive, cela engendrerait davantage de pratiques commerciales significatives et durables.
Sara L Seck
Résumé: Les principes directeurs de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales ainsi que les normes de performance en matière de durabilité environnementale et sociale de la Société Financière Internationale (SFI) sont généralement considérés comme des normes internationales fondamentales auxquelles doivent se conformer les compagnies du secteur extractif actives à l’étranger. Ces normes, ainsi que les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains des Nations Unies, ont été promues par le Canada en novembre 2014 à travers la stratégie améliorée du Canada relative à la responsabilité sociale des entreprises. Cette stratégie affirme que le gouvernement canadien s’attend à ce que les compagnies opérant à l’étranger « respectent les droits de la personne, ainsi que toutes les lois applicables, et qu’elles satisfassent - et même surpassent - les normes internationales généralement reconnues en matière de conduite responsable des affaires ». Cependant, l’OCDE et la SFI adoptent des approches distinctes quant à l’incorporation des droits des Autochtones et des droits environnementaux, deux catégories de droits humains les plus touchées par l’opération d’entreprises du secteur extractif. Par exemple, les principes directeurs de l’OCDE traitent des droits humains et des droits environnementaux dans différents principes, sans faire mention des droits des Autochtones. En revanche, les normes de performance de la SFI, quoique ne référant que brièvement aux droits humains dans la Norme de performance 1 dans le contexte de l’évaluation des risques sur le plan social, offre toutefois des normes plus détaillées au niveau environnemental et social incluant la conservation de la biodiversité, la prévention de la pollution et les peuples autochtones. En avril 2015, l’OCDE a publié pour examen public une ébauche de son guide d’engagement pour parties prenantes dans le secteur extractif. Cet article examinera les similarités et les différences entre les approches de l’OCDE et de la SFI en ce qui concerne l’intégration de la responsabilité qu’ont les entreprises vis-à-vis des droits humains. Seront examinés plus particulièrement les droits procéduraux destinés à renforcer la protection de l’environnement ainsi que le droit des peuples autochtones au consentement préalable, libre et éclairé. Cet article évaluera également l’efficacité potentielle de ces deux approches à la lumière des mécanismes de conformité associés.
Parens Patriae et fiducie publique: le dommage environnemental comme préjudice en soi (en anglais)
Monique Evans
Résumé: Dans les traditions juridiques occidentales, les dommages environnementaux sont généralement perçus d’un point de vue strictement anthropocentrique—une approche qui n’a, jusqu’à maintenant, pas donné les résultats escomptés en matière de préservation de l’environnement. L’auteure soutient que la reconnaissance par le droit canadien des dommages environnementaux comme un préjudice en soit améliorerait la protection de l’environnement et offrirait un moyen d’adresser ces dommages par le biais de procédures judiciaires. Notamment, l’auteure étudie les options visant à intenter une action en justice pour des dommages environnementaux en soi : les actions gouvernementales sous la juridiction parens patriae et leurs contraires—les actions citoyennes contre le gouvernement en vertu de la doctrine de la fiducie publique. Bien que chaque option ait ses limites, chacune pourrait être utilisée afin de concrétiser le rôle potentiel du droit dans la création d’un futur durable.
Annie Chaloux
Résumé: Les trente dernières années ont montré une intensification de l’action internationale du Québec dans le domaine de l’environnement. Celui-ci a cherché à montrer l’importance et la pertinence des États fédérés dans la gouvernance environnementale internationale et à légitimer le rôle de ces acteurs dans la régulation de ces problématiques d’action collective à l’échelle internationale. Si l’on assiste à un foisonnement de l’activité internationale du Québec, peut-on en dire automatiquement que celui-ci a mis en œuvre et respecté ses engagements internationaux contractés avec ses partenaires nord-américains? Cette question, pourtant cruciale tant sur les plans pratique et théorique, ne génère, pour l’heure, qu’une littérature parcellaire et incomplète, alors que le Québec a développé, au cours des années, un discours fort important sur cette diplomatie verte québécoise. Cet article propose d’approfondir cette question et d’analyser en profondeur dans quelle mesure le Québec met en œuvre et respecte ses engagements internationaux dans le domaine de l’environnement grâce à l’étude détaillée de trois études de cas spécifiques dans l’espace nordaméricain, soit le Plan d’action de lutte contre les changements climatiques de la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l’Est du Canada, le système de plafonnement et d’échange d’émissions de gaz à effet de serre de la Western Climate Initiative et l’Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve SaintLaurent du Conseil des gouverneurs des Grands Lacs. Les résultats de cette recherche démontrent que pour les trois études de cas analysées, le Québec tend à mettre en œuvre et à respecter ses engagements internationaux avec ses différents partenaires nord-américains, constituant ainsi un acteur international de confiance à l’égard de ses engagements internationaux.